Togo- Crimes rituels à Sotouboua: Faure Gnassingbé appelé à la rescousse

Dans une lettre ouverte, des organisations de la société civile interpellent le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, sur le drame qui secoue actuellement la ville de Sotouboua. Lisez plutôt!

LETTRE OUVERTE

À Monsieur le Président de la République togolaise, en charge du Ministère de la Défense et ses collaborateurs de l’Administration territoriale, de la Sécurité, de la Justice et des Droits de l’Homme

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Lomé-TOGO Lomé, le 19 février 2024

Objet : Vives préoccupations relatives à la résurgence des crimes rituels dans des localités du Togo entre janvier et février 2024.

Excellence Monsieur le Président de la République, chef de l’État, en charge du Ministère de la Défense et des Anciens Combattants,

Monsieur le Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des Territoires,

Monsieur le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation,

Monsieur le Ministre des Droits de l’Homme, de la Formation à la citoyenneté, des Relations avec les institutions de la République, Porte-parole du Gouvernement,

C’est avec une profonde consternation doublée d’une vive préoccupation que les Organisations de la Société Civile suivent la situation qui prévaut depuis le 17 février 2024 dans la préfecture de Sotouboua, localité située à 300 km au nord de Lomé.

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En effet, à la suite d’un cinquième cas de crimes rituels en l’espace de deux mois seulement pour compter de janvier 2024 selon les témoignages, les populations de cette localité s’étaient spontanément rassemblées, au regard de l’urgence sécuritaire qui contraste avec le mutisme des autorités locales, devant le bureau du préfet en vue d’interpeller ces autorités sur leur indifférence vis-à-vis de ces crimes. Contre toute attente, elles ont essuyé une répression militaire suivie d’arrestation et de saisie des matériels des manifestants dont les motos.

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Il est quand même curieux de constater que, en lieu et place de mettre les militaires à contribution pour sécuriser les populations et faire arrêter les auteurs des crimes rituels en série, les autorités ont fait le choix de réprimer les populations dont le seul tort est d’avoir réagi dans le bon sens et de façon légale, en tirant sur la sonnette d’alarme sur un phénomène qui engloutit des vies humaines et sème le désarroi, le deuil, la désolation et la psychose au sein de paisibles populations.

Messieurs les autorités,

Nos organisations voudraient rappeler qu’en 2012, une série de crimes rituels avaient eu lieu dans plusieurs coins de la capitale, et à ce jour, les vrais commanditaires de ces crimes, qui ont coûté la vie à une douzaine de jeunes filles, ne sont pas connus parce que des pistes ont été volontairement brouillées par des artifices politico-juridiques.

En août 2020, trois (03) mineurs avaient été assassinés dans les mêmes circonstances dans la ville de Blitta située à une dizaine de kilomètres au sud de Sotouboua. De la même manière, des pistes ont été brouillées avec la complicité de la télévision nationale (TVT) qui avait présenté un fou connu dans le milieu comme étant l’auteur de ces crimes rituels. Les autorités locales avaient été mises à contribution pour éviter l’autopsie des corps de ces mineurs, et cette affaire a été également étouffée par le bon vouloir de l’État et le silence complice et coupable de la justice.

En février 2024, une vieille femme âgée d’une quatre-vingtaine d’années, vivant dans la localité de Homa (GBEKPE) située à 63 kilomètres à l’Est de la ville d’Atakpamé a été tuée, sa tête coupée et emportée.

Toujours dans le même mois de février 2024, un jeune conducteur de taxi-moto (Zémidjan), âgé d’une trentaine d’années, a été assassiné dans la localité d’Assrama à 50 kilomètres à l’Est de la ville de Notsè ; le corps sans vie a été retrouvé avec des organes amputés.

À l’analyse des contextes et des similitudes susmentionnés, des regards attentionnés et des esprits de discernement peuvent constater trois aspects essentiels :

1. Il s’agit des crimes rituels, c’est-à-dire de meurtres suivis d’amputations d’organes,

2. Ces crimes rituels se sont déroulés en des périodes de grandes turbulences politiques,

3. Les autorités nationales ne sont pas intéressées à la manifestation de la vérité, mieux, elles contribuent à l’étouffement de ces affaires.

Convaincues que les autorités étatiques disposent des outils et moyens adéquats nécessaires pour appréhender les auteurs et complices de ces faits criminels, les Organisations de la Société Civile ne comprennent pas l’indifférence, l’insouciance et l’insensibilité de l’État vis- à-vis de la souffrance de victimes et des parents de celles-ci. Quelle différence y a t’il entre les entreprises terroristes et les auteurs des crimes rituels pour qu’on puisse fermer les yeux sur les seconds ?

Messieurs les autorités,

Les Organisations de la Société Civile vous invitent à vos devoirs et obligations constitutionnelles à faire la lumière sur tous les cas de crimes rituels enregistrés jusqu’à ce jour car, aux termes de l’article 13 de la Constitution, « L’État a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national. Nul ne peut être arbitrairement privé […] de sa vie ».

La personne humaine est sacrée et inviolable et l’être humain n’est pas fait pour des sacrifices. Vous avez donc l’impérieux devoir de faire cesser ces méthodes sataniques.

Enfin, les Organisations de la Société Civile vous demandent de faire libérer toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la manifestation spontanée de Sotouboua le samedi dernier et de faire restituer les matériels spoliés à leurs propriétaires. Car les revendications de ces populations sont légitimes : elles ne réclament que la protection de leur dignité, de leur intégrité physique et de leur vie. Votre pouvoir, vos départements ministériels sont missionnés à cet effet.

Les Organisations de la Société Civile vous prient de recevoir l’expression de leurs sentiments les plus préoccupants.

Les signataires :

M. Daguerre K. AGBEMADOKPONOU (ALCADES)

M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO (ASVITTO)

M. Christophe Komlan TETE (GAGL)

M. Bassirou TRAORE (GCD)

M. Koffi DANTSEY (GLOB)

M. Poro EGBOHOU (FDP)

Dr Emmanuel H. SOGADJI (LCT)

Me Célestin Kokouvi G. AGBOGAN (LTDH)

Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE (MCM)

M. Issaou SATCHIBOU (MJS)

M. Bertin BANDIANGOU (SEET)

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