Le Togo n’est pas un Etat particulièrement répressif à l’égard des homosexuels comme l’est par exemple l’Ouganda, mais ils sont nombreux à y souffrir de stigmatisation, de moquerie, voire de menaces. Certains préfèrent raser le mur. D’autres quittent carrément le pays.
Etat policier
Ici l’auteur de ces lignes ne prend que le seul exemple de l’Ouganda, initiateur d’une loi jugée très sévère contre l’homosexualité. Elle est très décriée. En effet, le 2 mai, le Parlement adopte l’Anti-Homosexuality Act (AHA). Le président Yoweri Museveni promulgue le texte controversé.
Quatre jours plus tard, la loi dénoncée et condamnée par la communauté internationale entre en vigueur. Tout individu reconnu coupable de délit d’homosexualité est condamnable à la prison à vie. Pour l’ « homosexualité aggravée », c’est la peine de mort. Une peine allant jusqu’à vingt (20) ans de réclusion plane sur la tête des promoteurs de l’homosexualité, etc. C’est dire la sévérité de l’AHA.
Déviance ?
Au Togo, comme dans la plupart des sociétés conservatrices, l’homosexualité est considérée comme un comportement non conforme à l’ordre social. Ce qui contraint, souvent, les homosexuels à passer sous silence leur orientation sexuelle afin de ne pas être rejetés.
Adjowa A. est une jeune élève brillante en classe de Terminale dans une école cotée de la place. « Lorsque mes parents découvrent qu’à 19 ans, je n’ai aucun ami ou camarade d’école de sexe masculin, ils ont commencé à me soupçonner, à me harceler. A l’époque, moi-même je ne savais pas que j’étais lesbienne. C’est plus tard que me découvre réellement. Afin d’éviter toute confrontation, j’ai dû quitter la maison familiale pour rejoindre une tante en Côte d’Ivoire », se souvient-elle. Aujourd’hui, elle vit en Occident.
Novembre 2023. Au quartier Gbadago, à Lomé. Dans la nuit, un jeune homme invite ses amis pour une petite fête chez lui, parmi eux il y a avait un Nigérian. Ce dernier se trouverait être son compagnon. Lorsque ses détracteurs apprennent la venue de « l’indésirable », ils débarquent sur les lieux sur fond de menaces.
Cette histoire ne s’arrête pas là. Les intimidations et pressions continuent de telle sorte qu’une autorité coutumière a conseillé les parents du jeune de lui trouver un abri ailleurs. Ce qui, dans la foulée, est fait.
Un autre exemple. Celui de Kossivi Djaka, né le 29 septembre 1989 à Kévé Avé. Alors vendeur d’objets d’art à Nyékonakpoè, non loin des feux tricolores, il n’oubliera jamais un jour du mois d’avril 2019.
En effet, surpris d’embrasser un homme dans la nuit, devant la maison familiale, Kossivi Djaka a dû faire face à la furie de son entourage. Les jeunes du quartier ont voulu lyncher son compagne, un certain David Kassane. Ce dernier a pris la poudre d’escampette, pour se sauver.
M. Djaka, lui, ne pouvant plus supporter moquerie, intimidations voire menaces non voilées, décide de quitter la maison familiale, d’autant que sa propre famille même n’est pas d’accord de son orientation sexuelle.
« Au début, certains ont cru que c’est une histoire banale parmi tant d’autres. Mais elle a pris une tournure insoupçonnée », raconte un témoin requérant l’anonymat.
Et de poursuivre : « Des jeunes ont attaqué le portail de la maison dans laquelle il vivait à coup de pierres et de bâtons. Kossivi Djaka se réfugie chez un voisin. « Une plainte aurait été déposée contre lui. Et c’est là qu’il a pris la décision de fuir, de quitter le Togo dans la nuit du 28 au 29 avril 2019 pour une destination inconnue », précise-t-elle.
Un témoignage qui décrit le tableau de la vie des homosexuels au Togo. De façon générale, ils sont nombreux à souffrir de stigmatisation, de moquerie, de menaces voir de persécution auprès de leurs communautés.
Dépénalisation ?
Les homosexuels n’ont pas la vie facile au Togo. Dans le pays, le Code pénal de 2015 condamne à une peine d’emprisonnement d’un à trois ans et/ou à une amende pouvant aller jusqu’à trois millions de francs CFA tout acte impudique ou contre nature commis avec un individu de son sexe.
Pour le moment, Togo refuse de dépénaliser l’homosexualité. En 2021, devant les membres du Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des nations unies (ONU), la délégation togolaise a rejeté toute idée de dépénalisation de l’homosexualité.
« En ce qui concerne spécifiquement les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, le Togo n’envisage pas d’abroger les dispositions pénales relatives à cette infraction. Parce que cette orientation sexuelle ne s’inscrit pas dans les valeurs sociales de nos populations et de notre pays », a insisté Christian Trimua, alors ministre togolais chargé des droits de l’homme.
Les défenseurs des homosexuels déplorent le fait que les homosexuels ne peuvent pas s’assumer. La déclaration de M. Trimua sonne comme un appel à la vindicte populaire, regrettent-ils.
Dans un rapport alternatif d’Afrique arc-en-ciel, une organisation non gouvernementale togolaise de lutte contre le VIH et de promotion de l’égalité des droits pour tous y compris pour les minorités sexuelles, il est retenu que bien que le Togo fasse des efforts en améliorant « la situation des droits humaines », beaucoup « des défis persistent », notamment le cas des minorités sexuelles. « … des défenseurs de droits humains qui travaillent pour la protection des LGBT sont chaque année victimes de menaces anonymes », complète ledit rapport.
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