L’Assemblée nationale du Togo a voté un nouveau texte qui instaure un régime parlementaire et faire entrer le pays dans sa Ve République. Concrètement, le président de la République ne sera plus élu au suffrage direct et son mandat sera de six ans non renouvelable. Un poste de président du Conseil des ministres est également créé et concentrera d’importants pouvoirs. Pour en parler : Bob Kabamba, politologue spécialiste de l’Afrique à l’Université de Liège, en Belgique.
TV5MONDE : Pourquoi le Togo change maintenant sa Constitution ?
Bob Kabamba, politologue spécialiste de l’Afrique à l’Université de Liège, en Belgique : En Afrique, il y a deux grands types de régimes : des régimes démocratiques et des régimes dictatoriaux. Dans ce dernier type, il y a ce qu’on appelle les régimes en décompression autoritaire et c’est exactement le cas au Togo. Les différentes réformes y sont uniquement mises en place pour permettre au président Faure Gnassingbé de rester au pouvoir avec un semblant de démocratie. Cette réforme de la Constitution ne vient que consolider et pérenniser le système Gnassingbé.
La réforme est faite maintenant simplement en prévision des échéances électorales, pour qu’il ne perde pas son pouvoir. Comme il ne peut plus se représenter, depuis la réforme constitutionnelle de 2019, il ne serait pas étonnant qu’il se retrouve président du Conseil des ministres, dans la forme tout juste adoptée par l’Assemblée.
TV5MONDE : Donc Faure Gnassingbé va continuer à diriger le pays ?
Bob Kabamba : Oui, il faut se rendre compte que le système Poutine instauré en Russie a beaucoup d’influence sur le continent africain. Quand vous regardez le parcours de Vladimir Poutine, il a fait élire Dmitri Medvedev président de la Russie et lui est devenu Premier ministre. Mais pendant ces quatre années [2008-2012], l’essentiel du pouvoir, c’était Poutine. Une fois qu’il est redevenu chef d’État, lors de l’élection suivante, il a changé la Constitution pour se pérenniser et rester indéfiniment au pouvoir, en passant quand même par des élections.
Faure Gnassingbé va faire la même chose que Poutine au Togo. Il ne peut pas se représenter à la prochaine élection, en raison de la réforme constitutionnelle de 2019. Il deviendra donc président du Conseil des ministres dont les pouvoirs ont été étendus. Il changera certainement ensuite une nouvelle fois la Constitution pour qu’il puisse redevenir président.
Le système politique du Togo va donc rester le même. Seule exception : si Faure Gnassingbé cherche à renouveler la classe politique avec de nouvelles élites mais qui rentreront toujours dans la même logique de son système actuel.
TV5MONDE : Quelles sont les réactions dans le pays ?
Bob Kabamba : Il y a deux aspects au Togo. D’une part, il y a une classe politique qui est inféodée au pouvoir en place, qui est classique et logique, qui soutient cette dynamique puisqu’elle s’y retrouve. De l’autre côté, vous avez l’opposition qui veut casser cette dynamique, mais le rapport de force est en sa défaveur. Elle a déjà du mal à mobiliser la population.
Il y a également le phénomène d’ethnicisation du système politique. Faure Gnassignbé ancre son pouvoir favorisant des ethnies qui sont majoritaires dans le système politique togolais. Ce phénomène fragilise encore plus l’opposition parce qu’elle ne sera pas en mesure de mobiliser cette partie de la population.
L’appareil sécuritaire est également contrôlé par le pouvoir. Donc s’il y a des manifestations, l’exécutif pourra réprimer l’opposition et consolider son pouvoir tel qu’il est aujourd’hui.
L’opposition ne peut actuellement que compter sur la communauté internationale pour exercer une pression sur le pouvoir en place, et obtenir des changements.
Source: TV5MONDE
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