Le Syndicat de l’enseignement supérieur du Togo (SEST) n’est pas content du traitement infligé à son Secrétaire Général, Dr Djifa Ayi Hounsi. Devant la presse samedi, l’organisation syndicale a dénoncé l’affectation aux allures punitives de son premier responsable par arrêté N° 040/2023/MESR/CAB du 20 avril 2023, le relevant du personnel enseignant de l’enseignement supérieur et l’intégrant au corps des enseignants de l’École Normale Supérieure (ENS) d’Atakpamé. Le SEST condamne l’attitude des autorités universitaires et du ministère de tutelle.
Lire ci-dessous l’intégralité de la declaration liminaire présentée par le SEST à l’occasion de cette conference de presse.
Déclaration du Syndicat de l’Enseignement du Supérieur du Togo (SEST)
Les membres du Syndicat de l’Enseignement Supérieur du Togo ont accusé avec stupéfaction et indignation réception de la part de la Direction des Ressources humaines de l’Université de Lomé, de l’arrêté N° 040/2023/MESR/CAB du 20 avril 2023 relevant leur Secrétaire général du personnel enseignant de l’enseignement supérieur et l’intégrant au corps des enseignants de l’École Normale Supérieur d’Atakpamé.
Le SEST, après analyse de la portée de la décision, l’appréhende comme une sanction infligée contre son Secrétaire général parce qu’elle est intervenue après une réclamation des droits acquis que refusent de mettre en œuvre les autorités des Universités publiques du Togo.
Le Syndicat, à travers cette occasion, émet une vive protestation contre cette décision inique, injuste et illégale contre son Secrétaire général, car elle est contraire à la logique procédurale des textes en vigueur dans les universités publiques du Togo.
Pourquoi une telle décision ? La raison est toute simple. Le Secrétaire général du SEST a osé demander ce qu’il ne fallait pas demander, à savoir les revendications relatives d’une part, à la cessation des cours en ligne et à l’amélioration des conditions de recherche et, d’autre part, au paiement de nos droits inhérents à l’augmentation des salaires par le Président de la République à hauteur de 5% depuis janvier 2020 et de 10% pour compter de septembre 2022. En outre, le Secrétaire général du SEST a surtout osé demander le versement de la retenue de 4 mois de revalorisation opérée au titre de l’accord du 6 août 2019 par les autorités universitaires bien que le Gouvernement ait mis les fonds à leur disposition depuis novembre 2019.
Par rapport à la demande d’ouverture de dialogue pour la satisfaction de ces revendications qui sont purement syndicales et d’aucune coloration de quelque nature que ce soit, les échanges ont été faits par courriers interposés. Dans ces échanges, le Secrétaire n’a jamais manqué de respect de quelque manière que ce soit à l’autorité, car, nous avons dans notre mouvement syndical la culture du respect de l’autorité.
Les revendications étaient purement syndicales avec pour objectif principal la satisfaction de l’intérêt non seulement des membres du syndicat, mais aussi de tous les membres de la communauté universitaire à laquelle nous appartenons tous.
Suite à ces échanges et revendications légitimes, des menaces ont commencé par pleuvoir afin de l’amener à se taire. Ne l’ayant pas, Monsieur le Ministre de l’Enseignement supérieur a pris un arrêté pour décapiter le mouvement en affectant notre Secrétaire général à l’École normale supérieure d’Atakpamé. Il lui a tout simplement changé de corps et de ville. S’il n’est plus à l’Université de Lomé, il ne pourra plus revendiquer quoi que ce soit. C’est une technique de décapitation et de mise à mort d’un syndicat légalement créé et dont la vocation est de protéger les intérêts matériels et moraux des Enseignants du Supérieur. Il s’agit d’une punition, car le SEST voit dans cette décision une rétrogradation de son Secrétaire général qu’il ne saurait accepter.
Mais Monsieur le Ministre a oublié de mentionner une chose : ce qu’il reproche au Secrétaire général du SEST. Monsieur le Ministre, qu’est-ce que vous reprochez à notre Secrétaire général ?
La question est légitime, car on ne peut pas prendre une décision d’une telle gravité sans notifier à la personne qu’elle frappe, ce qu’on lui reproche en vertu des textes en vigueur dans notre République.
Monsieur le Ministre, si la décision que vous avez prise à l’encontre de notre Secrétaire général repose sur le seul échange de correspondances relatives aux revendications syndicales, elle doit être motivée et nous dire clairement ce que vous lui reprochez dans vos différents courriers et préciser le fondement juridique sur lequel elle repose. Les revendications sont-elles interdites au Togo ?
Si oui, il faudrait nous préciser le ou les textes en la matière et les dispositions spécifiques qui les interdisent. Là on saurait que désormais au Togo, les revendications sont érigées en infraction pénale, et quiconque viole le ou les dispositions en vigueur tombera sous de la sanction prévue à cet effet.
Si les revendications syndicales sont reconnues par les textes en vigueur, aucune infraction n’est donc commise par notre Secrétaire général. Alors on est donc en droit de vous demander sur quel fondement juridique votre sanction a été prise. Encore faut-il que vous soyez compétent pour prendre une telle décision ayant un caractère sanctionnateur.
Monsieur le Ministre, toutes ces interrogations sont fondées sur un souci légitime, celui de savoir ce que vous reprochez à notre Secrétaire général et sur le fondement duquel la sanction a été prise à son encontre. Nous sommes dans un État de droit et toute personne a le droit à la communication du dossier lui permettant de présenter utilement sa défense devant les instances habilitées à cet effet. S’agit-il d’une faute disciplinaire, d’une faute civile ou d’une infraction ? Nous avons le droit de savoir ce qu’on lui reproche.
Monsieur le Ministre, le droit est au service des causes nobles et les droits que le SEST défend par l’entremise de son Secrétaire général ne sont pas personnels, mais plutôt collectifs, car ayant un caractère purement syndical. Et les syndicats libres reconnus par la loi togolaise ne peuvent agir que par l’intermédiaire de leurs secrétaires généraux pour revendiquer les droits légitimes auxquels ils aspirent. C’est ce devoir que le Secrétaire général du SEST a légitimement accompli en s’adressant à vous comme premier interlocuteur de la communauté universitaire afin de trouver des solutions idoines aux problèmes qui minent le vivre-ensemble dans les Universités publiques du Togo. Malheureusement, au lieu d’avoir une oreille attentive pour discuter, vous lui avez infligé une sanction, celle qui l’enlève de son corps d’attache pour l’envoyer ailleurs, là où il ne pourra plus servir dignement et loyalement ses camarades qui lui ont fait confiance en le plaçant à la tête de leur syndicat.
Peut-on agir de la sorte sans se référer aux textes en vigueur, sans citer un seul texte à l’appui de sa décision ? Naturellement non, car il s’agit d’une décision défavorable et au regard des textes en vigueur dans notre pays, une telle décision oblige la personne qui la prend, en l’occurrence le représentant légal de l’administration que vous êtes, à exposer les éléments de fait et de droit qui justifient sa décision, afin qu’elle ne soit pas de facto taxée d’arbitraire. Notre procédure disciplinaire est formelle sur ce point (articles 3, et 5 de l’Arrêté n° 022/UL/P/SG/2020 portant nouvelle procédure disciplinaire à l’Université de Lomé). Il en va de même de notre procédure pénale basée sur un principe cardinal : « Pas de peine sans texte de loi » (article 3 du nouveau Code pénal togolais). Vous voulez sanctionner quelqu’un, il faut citer le texte à partir duquel la sanction a été prise. Sans texte cité à l’appui d’une décision ayant un caractère sanctionnateur, la décision est irrégulière et ne peut en aucun cas avoir un effet juridique à l’encontre de la personne sanctionnée. Sans fondement textuel d’une décision venant d’une autorité ministérielle, la décision prend le caractère d’une décision arbitraire assimilable à un abus d’autorité, comportement réprouvé dans un État de droit.
Monsieur le Ministre, par rapport à ce principe juridique sur lequel reposent nos procédures disciplinaires et pénales, nous pouvons sans l’ombre d’un doute vous affirmer que votre décision envoyant notre Secrétaire général à l’École Normale Supérieure d’Atakpamé est irrégulière pour plusieurs raisons :
La première raison repose sur la violation du statut auquel les enseignants du supérieur sont soumis. Nous appartenons à un statut particulier institué par une loi de la République. Les procédures prévues dans ce statut doivent être respectées si une mesure disciplinaire devait être prise contre un membre du corps relevant de ce statut. Et l’organe habilité à prendre la mesure doit être compétent. Or nous constatons que vous n’avez pas suivi la procédure prévue pour prendre une telle décision. Ce qui rend votre décision complètement illégale pour vice de procédure.
Monsieur le ministre, dans cette procédure, l’organe compétent pour prendre la mesure que vous avez prise est le Conseil de l’Université de Lomé. Il n’a été dit nulle part dans nos textes que le Ministre de tutelle que vous êtes, avez le pouvoir pour décider tout seul et encore moins prendre une sanction à l’encontre d’un enseignant du supérieur. Vous n’avez pas cette compétence que vous vous êtes attribuée de façon abusive. Or sans compétence, la décision prise par l’autorité incompétente est nulle pour défaut de qualité.
Monsieur le Ministre, notre procédure disciplinaire n’a pas prévu des sanctions unilatérales afin de préserver l’équité dans la prise de décision dès lors qu’un comportement anormal est reproché à un membre de la communauté universitaire. Le Secrétaire général du SEST appartient à un corps qui a ses règles et sur lesquelles il fonctionne, car soumis à un statut particulier, celui des universités publiques du Togo. Il est aussi fonctionnaire de notre État, le Togo, et est soumis également à ce titre aux règles qui gouvernent les fonctionnaires togolais. Ces deux corps de règles qui nous régissent ont prévu des procédures appropriées pour connaitre des comportements anormaux des fonctionnaires. Ces procédures respectent un principe cardinal qui sous-tend toute procédure équitable : c’est le principe du contradictoire, c’est-à-dire le droit de la personne à qui on reproche un quelconque comportement anormal, de se défendre avant toute sanction (article 10 de l’arrêté précité). Ce principe repose sur un autre principe appelé « présomption d’innocence ». Toute personne poursuivie est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie à l’issue d’une instruction faite à charge et à décharge.
Toute procédure équitable repose sur le respect de ces principes cardinaux. Aucune sanction n’est juridiquement valable si ces principes cardinaux de la procédure ne sont pas respectés.
Nous constatons que non seulement la procédure n’a pas été observée, mais que le ministre a pris une décision unilatérale qui viole de façon flagrante et honteuse notre procédure disciplinaire. Dans notre procédure, ni le Ministre, le Président de l’Université n’a aucun pouvoir pour prendre de façon unilatérale une sanction ni contre un collègue enseignant, ni contre un membre du personnel administratif, technique et de service. Il doit obligatoirement passer par le Conseil de discipline par une saisine en bonne et due forme. C’est une procédure qui a été mise en place afin d’éviter toute décision arbitraire telle que celle que vient de prendre le Ministre de l’Enseignement supérieur contre le Secrétaire général du SEST.
Ce qui n’est pas acceptable dans un État de droit.
La deuxième raison repose sur la violation de la liberté syndicale protégée aussi bien par les textes nationaux et internationaux que notre pays a librement signés et ratifiés. Il s’agit respectivement de la convention C. 135 de 1971 concernant les représentants des travailleurs et celle de 1973 concernant la protection des représentants des travailleurs et les facilités à leur accorder, celle de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Notre Code du travail abonde dans ce sens. Les responsables syndicaux sont protégés contre des prises de décisions intempestives à leur encontre afin de leur permettre d’accomplir sereinement leurs missions syndicales sans crainte ni intimidation venant de leurs supérieurs hiérarchiques.
Monsieur le Ministre, vous avez certes le droit de prendre des sanctions dès lors cela relève de votre compétence. Malheureusement, vous n’avez ici la compétence pour prendre une telle décision. Ce qui démontre à suffisance le caractère manifestement illégal de votre décision d’affectation prise à l’encontre de notre Secrétaire général.
Monsieur le Ministre, avec tout le respect nous devons à votre fonction, nous venons par la présente déclaration protester de façon véhémente contre votre décision inique et injuste qui ne repose sur rien en droit. Les dérives autoritaires se nourrissent du silence et de l’indifférence de ceux qui les subissent. Nous ne saurons nous taire devant une telle anomalie juridique qui détruit ce que nous avons mis du temps à construire. Vous ne saurez assoir votre carrière politique sur les souffrances de la communauté universitaire. C’est pourquoi nous disons « Non » à votre décision qui ne saurait prospérer dans un monde universitaire mobilisé pour la Construction d’un État de droit dans lequel les individus doivent s’épanouir dans le respect de leurs droits les plus élémentaires.
Vive les Syndicats libres des Universités publiques du Togo.
Fait à Lomé le 13 mai 2023
Le Syndicat de l’Enseignement Supérieur du Togo (SEST)