La communauté internationale commémore ce lundi 10 Octobre 2022 la 20e Journée mondiale contre la peine de mort. Une journée consacrée cette année à la réflexion sur le lien entre la torture et le recours à la peine de mort ou d’autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants. A l’occasion, la branche togolaise de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Togo) invite à soutenir l’appel transcontinental du réseau international des ACATs.
Appel transcontinental octobre 2022
10 octobre 2022 : En commémoration de la 20ème journée mondiale contre la peine de mort, l’ACAT TOGO vous invite à soutenir l’appel transcontinental du réseau international des ACATs. La journée mondiale de cette année est consacrée à la réflexion sur le lien entre la torture et le recours à la peine de mort ou d’autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants.
République démocratique du Congo
Condamnation à mort à la suite d’un procès inéquitable
Joseph Mwamba Nkongo est l’une des nombreuses personnes condamnées à mort chaque année par la République démocratique du Congo (RDC), État africain rétentionniste. Bien que la RDC n’ait exécuté aucune personne depuis 2003, elle continue de condamner régulièrement des personnes à la sanction capitale. Depuis décembre 2021, M. Mwamba fait partie des plus de 500 personnes détenues dans le couloir de la mort et attend désormais son exécution, sans en connaître la date.
Le 25 décembre 2021, M. Mwamba a tué sa femme sur le marché de la commune de Matete à Kinshasa. Avant même sa verbalisation, des policiers et des passants l’ont violemment battu devant l’indifférence d’autres policiers présents. Par la suite, la police l’a arrêté et conduit au poste le plus proche tandis que le Parquet a demandé au président du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete de convoquer une audience en flagrance.
Jugé le 28 décembre 2021 devant le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete, soit trois jours après son arrestation, M. Mwamba n’a pas bénéficié de conditions équitables pour son procès. En violation du principe du contradictoire, le temps de parole accordé aux avocats de la partie civile a largement excédé celui de leurs homologues de la défense. Le procès s’est achevé par la condamnation à mort de M. Mwamba parles juges. Il est depuis lors placé en détention dans la prison centrale de Makala et il fait désormais partie des plus de 500 personnes détenues dans le couloir de la mort qui attendent leur exécution, sans en connaître la date, et son état de santé s’est détérioré de manière préoccupante.
Le fait que la justice congolaise n’ait pas garanti l’équité du procès de M. Mwamba est incompatible avec plusieurs des engagements internationaux du pays. La RDC est partie au Pacte relatif aux droits civils et politiques depuis 1976. L’Observation générale n°36 du Comité des droits de l’Homme des Nations unies sur le droit à la vie précise par ailleurs que si les États parties ne sont pas tenus d’abolir la peine de mort, ils doivent garantir les conditions d’un procès équitable. C’est ce que rappelle également l’Observation générale n° 3 sur l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples à laquelle la RDC est partie depuis le 28 juillet 1987. Au regard des droits international et régional, la condamnation à mort de M. Mwamba est invalidée de fait.
Si les faits de tortures lors de sa détention au poste de police sont avérés, M. Mwamba aurait alors dû recevoir « des soins médicaux appropriés » de la part de l’État congolais, en vertu de l’article 50§A des Lignes directrices de Robben Island, conçues afin de garantir la bonne application de l’article 5 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, qui stipule que tout individu a le droit au respect de sa dignité. Or, l’État ne lui en a proposé aucun.
Situation déplorable dans le couloir de la mort
Joseph Mwamba, à l’image de nombreuses autres personnes détenues au sein de cette même prison (des plus de 500 personnes), dispose d’un accès aux soins médicaux et à l’alimentation insuffisant, ce qui entraîne une rapide dégradation de son état de santé. De plus, cette précarité sanitaire se double de l’insécurité psychologique qu’implique une longue attente dans le couloir de la mort. Cette situation d’attente est vraisemblable puisque la RDC observe un moratoire depuis 2003, ce qui met particulièrement en lumière le caractère inhumain de la peine de mort. Dans ce pays, une personne condamnée à mort vit de longues années avec la sensation d’une mort imminente.
Il faut remarquer que la longue attente anxiogène d’une exécution à une date encore inconnue expose les condamnés au risque de développer un syndrome du couloir de la mort, dont le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et les conditions de détention avait indiqué en 2012 qu’il pouvait produire de graves traumatismes mentaux voire des souffrances physiques, en violation de l’interdiction de la torture qui s’applique à la RDC.
En ce qui concerne leurs conditions de détention, l’État congolais est également en inadéquation avec ses engagements internationaux, en particulier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à laquelle il est partie depuis 1996. Effectivement, la précarité de ces conditions de détention constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant au regard de l’article 16 qui stipule que « Tout Etat partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle est définie à l’article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. ». Finalement, l’accès insuffisant à l’alimentation et aux soins viole respectivement les règles nos 22 et 24 de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, dites « Règles Mandela ».
Pour toutes ces raisons, il est essentiel pour l’État congolais de :
• Commuer la condamnation à mort de Joseph Mwamba Nkongo ;
• Faire une révision du procès de Joseph Mwamba Nkongo pour lui garantir des conditions
de procès équitables, en particulier en ce qui concerne le respect du droit de la défense et du principe du contradictoire ;
• Améliorer les conditions de détention de Joseph Mwamba Nkongo, notamment pour qu’il puisse bénéficier d’un accès aux soins et à une alimentation satisfaisante, ainsi que d’un suivi médical adapté aux actes de torture subis ;
• Enfin, et pour mettre fin à la situation problématique de l’attente intolérable dans le couloir de la mort, commuer toutes les condamnations à mort et arrêter de prononcer la peine de mort en République démocratique du Congo.
Sources : ACAT-RDC
Contact presse:
– ACAT TOGO : Bruno HADEN- acattogo@yahoo.fr
Source : Societecivilemedias.com