Togo-Terrorisme : 3 questions à Gnimdéwa Atakpama du Parti des Togolais

Dans le cadre de l’insécurité qui sévit dans le Nord du Togo, le confrère “L’Echiquier” s’est entretenu avec Gnimdéwa Atakpama, numéro 2 du Parti des Togolais. Bonne lecture.
  
Que pensez-vous de cette situation d’insécurité ?

Gnimdéwa Atakpama: Je dois vous avouer que malgré ma position de leader politique relativement bien informé, j’en suis encore au stade de questionnements. Les menaces auxquelles nous faisons face sont, c’est vrai, asymétriques. Elles relèvent, c’est vrai, de l’extrémisme violent. Faut-il pour autant lui coller l’étiquette de terrorisme telle que définie par l’actualité internationale ? Nous devons nous poser cette question. Il ne faut pas donner l’impression que notre pays est en pilotage automatique et exclusivement réglé sur l’agenda international.

Les informations qui nous viennent de la région des savanes sont confuses. On parle de militaires tués. Des civils égorgés. De populations déplacées. A cela s’ajoutent les bavures et autres dégâts collatéraux. Et bien sûr, certaines informations sont volontairement tues. Ce défaut de communication et cette absence de transparence ne sont pas nécessairement des atouts dans cette lutte.
Les informations qui nous viennent du grand Nord méritent une clarification. Le gouvernement doit faire la lumière, toute la lumière sur la situation d’insécurité que nos compatriotes vivent et en informer l’opinion.

Quel est votre avis sur la réaction du gouvernement et des forces de défense et de sécurité ?

Le régime togolais ne doit pas donner l’impression d’instrumentaliser une menace réelle et sérieuse dans le seul but de conserver un pouvoir cinquantenaire acquis dans le sang et transmis de père en fils, et dans les mains de quelques prédateurs. 
Les Togolais méritent mieux !

Combattre une menace asymétrique en privilégiant l’approche militaire est déjà en soi un échec programmé. Aucune armée au monde n’a encore réussi cet exploit.
Le Nigeria est la quatrième puissance militaire africaine. Le Mali est la première puissance militaire de l’UEMOA (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest). Il occupe au niveau continental le 18e rang. Le Burkina-Faso est la 31e puissance militaire africaine.


Tous ces pays, sont profondément déstabilisés par l’extrémisme violent depuis plusieurs années. Et vous pensez sérieusement que l’armée togolaise qui ne figure même pas dans le classement 2022 des puissances militaires africaines selon Global Fire Power réussisse cet exploit ? Malheureusement, sur le plan intérieur, la seule prouesse dont notre armée a été jusqu’ici capable est de réprimer brutalement des manifestants pacifiques, tirer sur des foules désarmées, occasionnant des blessés et des morts dont parfois des enfants.

Quelles approches de solutions préconisez-vous ?

Il faut attaquer le mal à la racine. Le problème est économique et social, avant tout. La solution doit l’être également. L’extrémisme violent survient, et s’installe surtout, partout où l’Etat a fait défection. Vous savez que les préfectures les plus pauvres du Togo se trouvent au nord de notre pays. Notamment dans la région des Savanes où l’incidence de pauvreté est particulièrement élevée. C’est le cas par exemple des préfectures de Kpendjal, Tandjouaré et Oti. Dans l’Oti Sud par exemple, jusqu’à 76% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Ces préfectures manquent également de tout, notamment d’infrastructures d’accès à l’éducation et à la santé. L’insécurité alimentaire y est particulièrement préoccupante. Chaque année, en juin et juillet, c’est près de 20% des ménages qui doivent faire face à des pénuries alimentaires.

De plus, quand on sait que près de 85% des Togolais n’ont pas de cartes d’identité, ce taux est forcément plus élevé dans cette région. Difficile dans ces conditions de contrôler l’identité des personnes, un facteur non négligeable dans la lutte contre le terrorisme.

Vous voulez savoir ce qu’il faut faire ? C’est relativement simple. Il faut redonner espoir à la population. Les gens peuvent tolérer beaucoup de choses, sauf le manque d’espoir. Face au désarroi de la population, si le gouvernement arrivait à créer un sentiment d’espoir et s’il pouvait tenir ses promesses, la question de la menace sécuritaire serait  en très grande partie réglée. Même si des terroristes viennent faire un coup d’éclat, ils auront des difficultés à prendre racine sur le territoire.
Il me semble que le temps est venu de mener une large réflexion, sur notre armée, le défi de la transhumance et la question de la carte d’identité pour tous les citoyens, dans le cadre d’une sorte de forum national.

Ce forum doit rassembler les partis politiques, les organisations de la société civile, les chefs religieux, les chefs traditionnels, les syndicats, la police, la gendarmerie et l’armée.

Ce forum, tout en abordant tous les problèmes de notre pays ne doit pas oublier de réfléchir à une vision globale en matière de sécurité et de défense. Cette réflexion doit déboucher sur la rédaction d’un document fondateur de notre stratégie nationale de défense et de sécurité.

Source : L’Echiquier n°087 du 05 août 2022

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