Togo / Adhésion du Togo au Commonwealth : Du bruit… mais quel impact ?

Le Togo est, depuis le samedi 25 juin 2022, officiellement membre du Commonwealth, cette tant désirée communauté des Nations et ce vaste marché à travers le monde. Mais que peut/va bien apporter cette adhésion/appartenance aux populations togolaises ? Et si ce n’était que du bruit pour rien ?

Huit (08) ans, c’est la durée de l’attente. La requête d’adhésion du Togo, faut-il le rappeler, avait été formulée depuis 2014. L’acceptation officielle de notre pays, autant que celle du Gabon, deux pays francophones, est donc l’aboutissement d’une longue attente. Au sommet de l’Etat et au sein du sérail, on se tisse des lauriers.

Lauriers, jubilation, tintamarre…

« Je remercie les États membres du Commonwealth pour l’acceptation de notre candidature en ce jour. L’adhésion du Togo à cette grande famille est une évolution que nous avons souhaitée dans une perspective de renforcement de la coopération entre les États et du brassage des peuples». Faure Gnassingbé donnait ainsi le coup d’envoi du tintamarre, quelques instants seulement après la validation de la candidature du Togo lors du 26e sommet des chefs d’Etat du Commonwealth à Kigali au Rwanda, qu’il trouve « historique en particulier pour le Togo et le Gabon».

De son côté, la Présidente de l’Assemblée nationale a, « au nom de la représentation nationale et en [son] nom propre, adressé [ses] vives et chaleureuses félicitations à SEM Faure Essozimna Gnassingbe, pour l’entrée officielle de notre pays dans le concert des nations du Commonwealth ce 25 juin 2022, à l’issue du sommet de Kigali ». « Cet événement historique traduit la vision audacieuse et pragmatique du Président de la République de permettre à notre pays de poursuivre sa marche vers le développement durable et la prospérité partagée à travers la diversification de sa coopération avec d’autres Etats dans plusieurs domaines, notamment diplomatique, économique, éducatif, culturel », a jubilé Mme Djigbodi Yawa Tsegan.

Il ne manquait que ça, le Premier ministre Victoire Tomegah-Dogbe en conseil des ministres lundi dernier, a adressé, dit-on, les admirations du gouvernement au Chef de l’Etat pour cet heureux événement. « Elle a salué le leadership du Chef de l’Etat qui, selon elle, permet un rayonnement du Togo. Elle a invité tous les membres du gouvernement à prendre les dispositions afin de saisir toutes les opportunités offertes par cette adhésion », indique le communiqué du conseil des ministres.

Au sein du régime tout entier, c’est la jubilation. Les caisses de résonance se rivalisent de titrailles et d’inspirations pour vanter les mérites de cette adhésion du Togo au Commonwealth. C’est un nouveau trophée de chasse qui est célébré comme ce qui manquait pour assurer le bonheur aux populations togolaises. Il ne reste peut-être qu’à chômer une journée de travail afin de fêter l’événement.

Une belle opportunité a priori

Créé depuis la 19 novembre 1926 mais boosté dans sa forme actuelle au milieu du 20e siècle durant le processus de la décolonisation des territoires de l’Empire britannique et les regroupant autour de la métropole Grande Bretagne, le Commonwealth est une organisation intergouvernementale très enviée. Formellement constitué par la Déclaration de Londres de 1949 qui fait des États membres des partenaires « libres et égaux », le Commonwealth est une sorte de creuset qui transcende aujourd’hui ses frontières de départ, s’ouvre depuis un bon moment aux pays francophones n’ayant jamais connu la domination britannique (Mozambique, Rwanda, Gabon et Togo) et compte désormais cinquante-six (56) pays.

En raison de leur histoire commune, les États membres du Commonwealth ne se considèrent généralement pas comme « étrangers » les uns aux autres et ainsi ne s’échangent pas des ambassadeurs, mais des hauts-commissaires. Dans les pays tiers dans lesquels leur propre pays n’est pas représenté, les citoyens du Commonwealth peuvent faire appel à l’assistance consulaire de l’ambassade britannique locale et bénéficient de faveurs par rapport à ceux des pays non-membres. Par exemple, le Royaume-Uni et d’autres pays, principalement dans les Caraïbes, accordent le droit de vote aux citoyens du Commonwealth dans les mêmes conditions que ceux du pays.

Le Commonwealth, c’est une population estimée à 2 558 903 391 habitants, soit environ le tiers de l’humanité. Ce qui représente un vaste marché et un potentiel économique certain. Dans l’histoire, l’organisation est venue au secours directement de ses membres pour faire face à des problèmes communs ou particuliers. Ceux-ci bénéficient de l’appui d’un vaste réseau d’organismes privés, bénévoles et professionnels comprenant, entre autres, des associations juridiques, médicales, d’universités et de parlementaires, des professionnels et des organisations médiatiques et sportives. Partageant une langue de travail commune et des systèmes juridiques, d’administration publique et d’éducation semblables, le Commonwealth s’est érigé sur un passé commun pour devenir une association dynamique d’États en harmonie avec le monde moderne.

L’organisation a l’habitude de s’investir pour le progrès social et économique de ses membres. Le Fonds du Commonwealth pour la coopération technique (CFTC) a soutenu les efforts des pays membres en développement afin d’accélérer le rythme de leur croissance économique. Il fournit, à court terme, les compétences techniques manquantes ou insuffisantes afin de permettre aux gouvernements concernés dans des domaines aussi divers que les exportations et la promotion industrielle, les services juridiques et économiques de haut niveau, et, à plus long terme, assure tout un éventail de programmes de formation dans les secteurs considérés comme les piliers du développement économique. L’association des pays du Commonwealth crée donc des programmes de solidarité et de coopération internationale pour aider les petits États membres.

Quel apport pour le Togo ?

« L’adhésion du Togo au Commonwealth est motivée par la volonté d’agrandir son réseau diplomatique, politique et économique en intégrant la grande famille des 54 États pour renforcer et multiplier ses partenariats stratégiques, ainsi que le souhait de se rapprocher du monde anglophone ». Le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur Prof Robert Dussey donnait un aperçu des motivations de cette adhésion de notre pays au Commonwealth.

« Sur le plan stratégique, dans le contexte du Brexit, le Togo pourra reconfigurer ses relations avec la Couronne britannique en dehors de l’Union européenne et entrer dans sa sphère d’influence et de coopération. Sur le plan économique, le Togo bénéficiera d’un vaste marché de plus de 2 milliards de consommateurs pour les exportations de ses produits. Sur le plan socio-culturel, l’adhésion du Togo sera l’occasion d’un brassage culturel nouveau pour les Togolais. Aussi aurait-il un éventail de possibilités nouvelles de voyage, de travail et de formations professionnelles ».

Quel Togolais ne serait pas emballé par ces apports potentiels de l’adhésion du Togo à cette organisation des anciennes colonies britanniques ? On l’est davantage concernant la promotion de la langue anglaise qui pourrait en résulter. Des accords permettent par exemple de faciliter les échanges, notamment pour le travail ; c’est le cas du « working holiday visa » permettant aux citoyens canadiens, australiens et néo-zélandais de 18 à 30 ans de se rendre au Royaume-Uni pour travailler, et inversement. Les objectifs miroités sont clinquants et séduisants et les gouvernants en place mériteraient peut-être d’être félicités pour cette initiative et son aboutissement. Mais tout a l’air d’une poudre de perlimpinpin.

Le Commonwealth ne serait pas la première organisation intergouvernementale à laquelle appartiendrait le Togo. Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), Union Africaine (UA)…le Togo est membre de plein de regroupements à l’échelle continental aux ambitions intéressantes pour la politique, l’économie, le développement, la croissance, la prospérité, etc. Il n’hésite pas à frapper aux portes des regroupements, programmes exotiques. Mais cela n’a jamais rejailli sur les vertus ou idéaux déclamés. Le développement, la prospérité, ce ne sont pas des mots, des discours, mais le fruit d’une volonté politique réelle. Et c’est ce qui a toujours manqué au Togo, avec la gouvernance en place.

Le Commonwealth, faut-il le rappeler, est fondé sur une charte qui promeut des valeurs telles que l’égalité, la non-discrimination, la démocratie, la primauté du droit, la séparation des pouvoirs…La déclaration d’Harare en 1991 a reconnu l’importance particulière qu’il accorde aux droits de la personne, à l’éthique démocratique, à l’égalité des hommes, au développement durable et à la protection de l’environnement. La Commonwealth Human Rigths Initiative est chargée d’en promouvoir les objectifs. On le voit à l’œil nu, le Togo est à tout point de vue, de par la gouvernance actuelle, diaboliquement incompatible avec toutes ces vertus. Raison bien suffisante pour éviter de se faire emballer par ce tapage médiatique…En tout cas, il vaudrait mieux voir les impacts positifs de cette adhésion au Commonwealth pour apprécier.

Source : L’Alternative / presse-alternative.info

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