21 juin au Togo: Que comprendre de cette journée des martyrs?

Hier mardi 21 juin, notre pays le Togo a, encore une fois, commémoré ses martyrs. La journée a évidemment été fériée sur toute l’étendue du territoire national et des cérémonies de dépôt de gerbes de fleurs ont été faites ici et là, en mémoire des hommes et femmes qui ont perdu leur vie pour la cause de la nation togolaise, depuis la colonisation jusqu’à ce jour. 

Alors si l’événement a mué de la commémoration des martyrs de Pya vers celui d’un événement national, cela signifie forcément qu’il revêt un caractère à la fois solennel et important.

Mais en quoi peut relever son importance en marge d’une compréhension plus approfondie de cet événement qui doit impérativement aussi pousser les citoyens d’aujourd’hui et de demain, à des actions concrètes visant à défendre la même cause que celle qu’ont défendue ces martyrs que pleure le Togo aujourd’hui ?

En vérité, ceux que nous appelons les martyrs sont ces vaillants fils et filles qui se sont investis pour défendre nos terres, notre identité, nos valeurs et notre patrimoine culturel. Face au colon blanc dont la mission était de soumettre les peuples d’Afrique à la vassalité et de les contraindre à renoncer à leurs terres, à leurs habitudes de vie pour se mettre presqu’esxclusivement au service de colon, nos aïeux se sont levés pour s’opposer farouchement au prix de leur vie. Car ils tenaient farouchement à leur patrimoine, à leurs terres, à leur culture, à leur religion dont l’usage et la pratique donnent un sens à leur vie.

Cela dit, la fronde a été farouche mais n’a pas permis de triompher de l’ennemi qui a fini, de guerre lasse, à nous coloniser, à nous exploiter et à nous discipliner autour de sa vision de la vie jusqu’à la période des indépendances et même au-delà. Car malgré les rudes et âpres luttes qui ont abouti à ces indépendances, le colon n’a pas vraiment levé le pied du coup des peuples d’Afrique au point où, nos premiers leaders qui objectaient de lancer le processus de construction de nos pays à partir de nos atouts endogènes et selon nos principes de vie, ont eux-aussi été la cible des attaques ayant conduit à leur assassinat, gonflant ainsi les rangs des martyrs dont le pays est appelé à célébrer la mémoire aujourd’hui. 

A eux s’ajoute évidemment la longue liste de ceux et celles parmi les engagés qui, au cours de nos propres guerres politiques à l’interne, ont vu leurs âmes enlevées gratuitement. Tous font désormais partie du lot des mémoires qui sont célébrées et dédiées  à cette journée du 21 juin.

Alors si tant de personnes mobilisées pour la cause commune, pour la cause qui a permis notre arrivée sur terre et notre vie d’aujourd’hui, ont été massacrées simplement parce que ces ancêtres cherchaient, à tout prix, à nous faire un espace convenable pour notre vie, quelle est donc notre mission, notre responsabilité vis-à-vis de leur mémoire ?

Une simple journée dédiée à eux suffirait-elle à leur rendre hommage et à les honorer dignement et convenablement ? Assurément pas!  

Il faudrait forcément aller au-delà, en posant des actes concrets et déterminants qui permettront non seulement de préserver leurs acquis, mais surtout aussi, de le capitaliser afin de garantir le bien-être de l’ensemble du peuple togolais, son épanouissement et sa fierté d’appartenir à un patrimoine pour lequel des gens ont littéralement perdu la vie. 

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, nos grands parents s’étaient battus pour préserver nos terres, car ils avaient conscience que celles-ci constituent une richesse et une vraie source de richesses. Ils ont fermement mouillé le maillot pour préserver nos valeurs identitaires, car ils savaient par expérience et par pur bon sens que ce sont elles qui permettent le Vivre Ensemble, régulent la vie sociale et entretiennent la justice et l’équité au sein des citoyens. Ils se sont défoncés pour notre identité tout court, car ils savaient que sans elle, nous n’avons aucune fierté de vivre et n’avons plus aucun moyen de donner un sens à notre existence.

Ce qui suppose donc que l’hommage que nous avons à leur rendre doit tenir de ce combat qui nous octroie la marge qui est conférée à tout être humain et qui l’autorise à faire porter sa voix partout où besoin est.

Mais honnêtement et sérieusement, sommes-nous aujourd’hui en train de nous engager réellement dans cette voie de salut qui rend effectivement hommage à nos martyrs ?

Un regard objectif sur la situation actuelle de notre pays, sur le niveau précaire d’épanouissement des citoyens de notre cher Togo et sur le bradage continue de nos terres au profit des étrangers, nous permet aisément de réaliser que nous sommes presqu’au bord de la faillite par rapport ces fondamentaux pour lesquels, des vies entières ont été décimées sur notre sol par le passé. 

En effet, il est bien connu dans nos coutures qu’un père ou une mère s’investit sur sa progéniture dans l’unique espoir de la voir évoluer et d’avoir plus de rendement que lui et elle demain, afin que son nom soit davantage pérennisé et exalté de génération en génération.

Pouvons-nous aujourd’hui bomber le torse pour affirmer que nous sommes les dignes fils et filles de nos ancêtres sur la base des prouesses ou des réalisations propres aux vrais combattants de la vie ? 

Tout le monde, me semble-t-il, connaît la réponse à une telle question et cela me détermine donc à conclure que ceux qui ont cette lourde responsabilité de conduire les politiques publiques de notre pays en nous gouvernant, ont sûrement du pain sur la planche. 

De leur attachement à nos valeurs identitaires, à nos principes endogènes de vie, à notre patrimoine culturel, à nos terres… dépendra naturellement la vie ou l’avenir que nous allons construire pour le Togo et les togolais. Il est un devoir pour nous de laisser un héritage qui soit largement au-delà de celui que nous ont laissés ces martyrs que nous sommes censés pleurer chaque 21 juin.

 Mais en l’absence d’une très haute conscience de cette responsabilité qui nous incombe d’honorer dignement nos martyrs par nos œuvres qui relèvent de la noblesse et de la gloire et participent à nourrir ce principe de la transmission qui caractérise la vie elle-même, le folklore du 21 juin n’aura absolument aucun sens, aucun!


Luc Abaki

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